Les négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage se sont terminées samedi 22 mars sur un accord qui fait payer l’addition de la crise aux privés d’emploi, aux salariés intérimaires, aux intermittents du spectacle, mais aussi aux cadres. Certes, le texte prévoit notamment dès le 1er juillet un système de " droits rechargeables " pour un coût global de 400 millions d’euros, mais, in fine, cette nouvelle convention prévoit 800 millions d’euros d’économies, autant d’efforts demandés aux demandeurs d’emploi indemnisés car le patronat a obtenu que les cotisations des entreprises restent inchangées sauf dans le secteur relevant des annexes 8 et 10, c’est à dire les intermittents du spectacle, où les cotisations employeurs et salariés seront relevées de 2 points.
Les 2 millions de salariés intérimaires seront donc lourdement touchés, avec plus de 300 millions d’euros d’économies réalisées sur leur dos. L’annexe 4 qui régit leur indemnisation est vidée de son contenu et les nouvelles règles de l’activité réduite qui leur seront appliquées les rendent perdants à tous les coups, entre 10 et 300 euros par mois selon les situations. Flexibles, mobiles et volés ! Voilà le résultat pour eux de cet accord. Cet accord doit encore faire l’objet d’un agrément du ministère du Travail et la mobilisation des salariés, des privés d’emploi pèsera sur le choix gouvernemental.
Si le patronat a accepté d’intégrer les droits rechargeables dans cet accord, c’est que ce sont les demandeurs d’emploi eux-mêmes qui vont les financer. Comment ?
1. la remise en cause de l’activité réduite qui autorisait à cumuler un salaire d’activité avec une allocation chômage, ce qui permettait de compléter ses revenus. Le nouveau calcul pénalise en particulier, mais pas seulement, les intérimaires, qui perdent les avantages spécifiques liés à l’annexe 4 qui tenait compte de la précarité de leur situation.
Le calcul est modifié pour la formule suivante :
Allocation mensuelle due = allocation mensuelle sans activité - 70% de la rémunération brute issue de l’activité réduite.
Seuls sont gagnant les salariés du régime général qui reprennent une activité leur rapportant un salaire supérieur à 70% de leur ancien salaire. Les intérimaires y perdent tous !
EXEMPLES
Salarié du régime général : Un salarié relevant du Régime Général qui avait des droits calculés sur un salaire brut de 2 000 € par mois, qui reprend 100 heures de travail au même taux horaire (1 333,33 € brut) perdra 141,83 € de revenu net par mois par rapport au système de calcul précédent. En revanche, s’il reprend une activité de 114 heures (soit 1 503,36 € brut) dans le mois, il gagnera 104,85 € de revenu net (mais il y aura peu de bénéficiaires d’un tel dispositif). |
Salarié intérimaire : Un intérimaire qui avait des droits calculés sur un salaire brut de 2 000 € par mois qui reprend 100 heures de travail au même taux horaire (1 333,33 € brut) perdra 141,83 € de revenu net par mois par rapport au système de calcul précédent. En revanche, l’intérimaire qui reprendrait une activité de 114 Heures (soit 1 503,36 € brut) dans le mois, perdrait lui, 167,58 € de revenu net pour ce mois-là ! |
2. L’allocation journalière qui ne pouvait être inférieure à 57,4% du salaire de référence sera désormais fixée à 57%, soit -0,4%.
Exemple : Un salarié qui percevait 3 000 € brut par mois de salaire, perdra 12€ d’allocation.
3. Intermittents du spectacle
Si les annexes 8 et 10les intermittents du spectacle sont maintenues et si les seuils d’ouverture de droits ne sont pas augmentés, les mesures prises vont, non seulement faire baisser
l’indemnisation, mais vont surtout aggraver l’iniquité et l’absurdité au sein du régime :
un différé qui va générer des périodes sans droit, surtout
pour les plus bas et moyens salaires ;
un plafond de cumul salaire + allocation injuste, selon
que le contrat tombe ou non sur un mois civil (la CGT proposait un plafond annualisé), ainsi qu’une perte de salaire net de 1%.
4. Différé d’indemnisation :
Le plafond est augmenté de 105 jours
Lorsque les salariés perçoivent une indemnité supra légale, dans le cadre d’une rupture de contrat de travail, le délai de carence qui était de 75 jours, pourra aller jusqu’à 180 jours avant de
percevoir ses indemnités chômage, selon le montant de cette supra légale, sauf pour les licenciés économiques.
Exemple :
Un salarié qui avait des droits calculés sur un salaire brut de 2 000 € par mois, avec 20 ans d’ancienneté, qui perçoit du fait d’une convention collective plus intéressante que le Code du
Travail 1 6340 € au lieu de 10 000 € légalement, devra attendre 105 jours de plus que précédemment (180 jours au lieu de 75 jours)
5. Les seniors bénéficieront du maintien de leurs allocations jusqu’à la date de liquidation de la retraite à taux plein à 62 ans au lieu de 61 ans.
Exemple : Un salarié privé d’emploi qui avait des droits ouverts pour 1095 jours (3 ans) à l’âge de 58 ans et qui ne pouvait prétendre à une
retraite complète à 61 ans pouvait bénéficier du maintien de ses allocations jusqu’à sa retraite pleine (soit pendant potentiellement 5 ans de plus), sous certaines conditions (dont le fait
d’avoir encore des droits en cours).
Maintenant, il devra attendre d’avoir 62 ans pour que cette étude ait lieu, ce qui fait qu’il ne pourrait plus en bénéficier, car il aura épuisé ses droits depuis 1 an au moment de l’étude. Il
sera donc contraint de prendre sa retraite minorée. Ne pourront donc bénéficier du dispositif que les demandeurs d’emploi licenciés au-delà de leur 59ème anniversaire en 2014 et de 60 ans en
2015.
En échange le MEDEF ne concède que la création des droits rechargeables qui ne profiteront qu’à une partie des demandeurs d’emploi, ceux qui pendant leur durée d’indemnisation initiale, auront
travaillé au moins 150 heures.
Il faut rappeler qu’une majeure partie des CDD signés actuellement sont d’une durée inférieure à un mois et ne permettront donc pas de rechargement, à moins que le salarié n’en trouve plusieurs.
Exemple : Un demandeur d’emploi qui a ouvert 6 mois de droits au 1er juillet et qui au 1er janvier a réussi à travailler 6 semaines durant ces 6 mois, verra ses droits recalculés pour une nouvelle période de 6 semaines.
Il est inadmissible que ce droit soit autofinancé par les demandeurs d’emploi eux-mêmes. La CGT avait pour ambition un accord qui permette de mieux indemniser, mieux former et de lutter contre la
précarité.
Cet accord est bien loin du compte, le système d’indemnisation d’assurance chômage doit évoluer vers une véritable sécurité sociale professionnelle, ne laissant pas de salarié sans droit.